Au pied des montagnes

Arthur se retourna au dernier instant, plus intrigué qu'alarmé par un bruit qui venait de l'arbre au-dessus de lui.. La dague s'enfonça dans sa gorge.
Tandis qu'il observait qui avait jeté la dague, il plaquait inutilement ses mains contre sa gorge pour en retenir le flot de sang.
Un autre bruit se fit entendre tandis que "Robert-Jacques-Hubert" se laissait tomber de l'arbre et enfonçait son sabre vert jusqu'à la garde dans le crâne du forestier. Le sabre rentrait par le sommet du crâne et ne ressortait pas. Ce coup avait abrégé ses souffrances.
"Robert" avait la tête baissée sur la dépouille de l'illusionniste. Ce talent ne lui avait même pas servi.

Ainsi finit ta vie. J'aurais pu te sauver... Je pense que tu sais vers qui diriger ta haine, si tu reviens en ce monde...

Puis il se tourna vers la jeune mercenaire. Cette fois-ci, les bandelettes qui lui recouvrait le visage avait été retirées. On voyait sans problème un visage qui n'avait pas connu un demi-siècle, couvert par quelques poils de barbes parsemés et deux mèches de cheveux blanches qui devait passer devant les yeux qui étaient cachés par le chaperon.

Dame, je vous propose de dire à Vinh'san que j'ai tué l'Inconnu. De toutes façons, je doute que vous auriez été capable avec une rapière de faire la blessure que je lui ai faite.
Ensuite, j'aimerais que vous fassiez parvenir au maréchal deux cadeaux de ma part.

L'homme chercha un moment dans un sac caché sous son manteau et finit par ressortir un diadème et la tête d'une elfe. Il les jeta tous les deux à Nadhyna.

Lorsqu'il verra la tête de sa reine, il risque de rentrer dans une rage noire et partira sur le champ à ma recherche, si vous lui avez parlé de moi : évitez d'être dans son chemin à ce moment. Il reviendra certainement avant que vous ne leviez le camp. Quant au diadème... il ne lui rappellera sûrement rien, mais sait-on jamais...
Et sinon j'ai un message, adressé à une tout autre personne. Si vous venez à rencontrer Maître Renard, dites lui ceci, je vous prie : Jin Motenaii arpente à nouveau Ramandrek.

L'homme salua de la main la mercenaire et parti à grands pas. Il devait être ailleurs dans peu de temps, il devait se presser.

Le temps que Nadhyna comprenne ce qui venait de se passer « Frédéric »
était déjà parti. Elle se rapprocha de la dépouille sanguinolente d’Arthur,
retira sa dague, l’essuya dans l’herbe et la remit parmi ses couteaux.
Quand même,« Frédéric » n’avait aucun sens de l’esthétisme ; le sang avait éclaboussé tous les alentours, mais même la cervelle de ce pauvre homme était éparpillée sur le sol, tant pis, les insectes se régaleraient. Elle se tourna alors vers la tête de l’elfe et le diadème, ce dernier était richement orné de pierres précieuses, il devait valoir très cher, il était magnifique. Quand à la tête elle et bien , elle était loin de l’être, tous les traits du visage étaient déformés en un rictus haineux ;de son vivant , elle devait quand même être jolie même si on avait du mal à le distinguer à partir de ce visage mort.

La jeune fille se mit en route vers le camp, tenant d’un bras la tête de l’elfe avec son diadème et traînant de l’autre le cadavre d’Arthur laissant ainsi une longue traînée de sang sur ses pas.

Arrivée au camp, tous les elfes la dévisageaient, essoufflée à cause du poids du forestier, elle s’adressa à l’un d’eux

Excusez-moi, pourrais-je savoir où se trouve le maréchal Vinh’san?

On ne lui répondit pas et elle eût à peine droit à un doigt désignant la tente d’Ikar, vers laquelle elle se dirigea alors,le cadavre d'Arthur encore dégoulinant .

Vinh'san entra dans ma tente, me demandant ce que je lui voulais. Encore une fois je m'assis avec quelques efforts et je répondis :

-Depuis ma décision de laisser Maître Renard tranquille, je cherche un but à ma vie. J'aimerais faire honneur à celui dont j'ai emprunté le nom. Ikar Brechende. C'est un héros de jadis qui confronta la ville de Shamar à l'aide de maints alliés. Je ne sais pas comment s'est terminée son histoire, mais je sais qu'il est mort. J'aimerais faire honneur à son nom en intégrant les rang de ce qui vous reste d'armée. Je suis prêt à vous prêter serment et vous servir jusqu'à la mort s'il le faut.

Je repris mon souffle. Le sang traversa une fois de plus les bandages qui venaient d'être changés. Je ne m'aidais décidément pas.

-J'aimerais continuer de vous suivre après notre passage chez les nains. Maréchal, je serai votre meilleur homme.
Je quittai mon lit pour m'agenouiller à terre, prêt à lui prêter serment.

Vinh'san regarda d'un air interdit l'homme se lever et s'agenouiller devant lui. Puis il rit haut et fort. Pas le rire clair qu'on la plupart des elfes. Le rire d'un homme qui a vécu toute sa vie en tant que soldat. Puis il s'arrêta et repris son air normal.

Relève toi, humain. Personne ne me prête serment. Tu me sers loyalement et je te le rendrais, et t'offrirais aussi la même chance que ceux qui sont morts hier : me servir dans la mort, ou alors tu me trahis et je te contraindrais à me servir dans la mort. Peu m'importe.

Après qu'Ikar soit debout, il le poussa pour l'obliger à se rassoir.

Tu dis vouloir être à la hauteur du nom d'un autre, car tu as le même. Et pour cela, tu veux te joindre à notre armée, quoiqu'elle n'en mérite plus le nom avant l'arrivée des renforts, n'est-ce pas?
Ne parle pas inutilement. Tu ne connais pas nos objectifs, et tu ne les connaitras que lorsque nous les auront atteints, si nous les atteignons.
Nous te conduirons chez les nains, car c'est dans notre intérêt, et nous t'y laisserons. Nous n'avons aucune raison d'accepter ton aide.
Maréchal?

La chamane venait d'interpeller Vinh'san.

Oui?
Il récupère vite et bien. Il pourrait être un élément très utile.
Il n'appartient qu'à moi d'en décider.

Vinh'san laissa le silence planer un moment. Il réfléchissait.

Mon avis pourrait changer durant le voyage, mais ne tente pas de m'épater : je hais devoir sauver des gens.

Il se tourna pour sortir et vit Nadhyna, la tête d'Ehryna dans une main et le cadavre d'Arthur dans l'autre.
Vinh'san se précipita vers elle en dégainant son cimeterre et le plaqua rapidement contre sa gorge. Il plongea ses yeux rouges flamboyants dans ceux de la mercenaire.

Explique moi rapidement comment tu peux avoir la tête de Dame Ehryna dans les mains! Tu n'as pas le temps d'entamer un récit!

Arrivant à proximité de la tente, Nadhyna surprise entendit un grand rire et se surprit à penser qu’avec ce qu’elle ramenait s’il y avait de la bonne humeur elle ne durerait pas. Ainsi lorsque les yeux aux allures de deux flammes se plantèrent dans les siens ; elle n’en fut qu’à moitié surprise mais dût de tout même remettre ses idées en place avant de pouvoir parler et lâcha dans un souffle sans oser quitter des yeux le maréchal

Je venais de rejoindre Arthur quand celui que vous appelez "guide" le tua à l’aide de son sabre et après son meurtre il me confia cette tête afin que je vous la remette…

Vinh'san continua de fixer Nadhyna un moment. Puis il retira son cimeterre de sa gorge et le rengaina. Il attrapa le cadavre de l'homme et l'examina. La blessure à la gorge était suspecte, étonnant qu'elle puisse être faite par un sabre. Mais le Guide avait montré plus d'une fois qu'il n'avait pas que ses sabres pour se défendre. Et tous étaient plus bizarres les uns que les autres.
et cette blessure à la tête, qui semblait traverser Arthur de part en part, comme embroché, prêt à être cuit au feu de bois, ne pouvait pas avoir été faite par une arme mal aiguisée, trop large et trop courte.
De toute évidence, une personne avec un sabre l'avait tué. Et Vinh'san ne connaissait qu'un seul manieur de sabre en ce monde.
Quoique maintenant qu'il y pensait, il en connaissait deux. Mais le deuxième, il n'arrivait pas à remettre son nom. Mais...
Il regarda ensuite la tête d'Ehryna, de plus prêt. Tranchée d'un seul coup. Encore un fois, peu d'armes peuvent faire cela.
Le maréchal interpela Grom et lui demanda de surveiller Nadhyna de prêt, avec plusieurs autres gardes.

Mademoiselle, veuillez nous accorder votre présence encore un instant. Je m'en vais chercher et trouver ce Guide. Attendez moi avant de partir, je reviendrais certainement avec sa langue trop enjôleuse et son cœur trop utile.

Et Vinh'san alla s'enfoncer dans la forêt, appelant les esprits des morts à lui révéler l'emplacement du Guide. Il fut étonné d'apprendre qu'il l'attendait non loin, mais en y réfléchissant un peu plus, c'était tout à fait son genre.

Je vis Nadhyna arriver en même temps que Vinh'san se précipitait sur elle. Il avait l'air totalement désemparé et d'une colère telle, que je n'aurais osé lui adresser la parole. La jeune dame trainait derrière elle un corps.. Celui d'Arthur. Je n'entendis pas ses explications, mais selon les apparences, elle venait de le tuer. En plus elle ramennait avec elle, la tête d'une personne que le maréchal elfe avait apparement en haute estime. La seule chose qui clochait dans mes conclusions hâtives était le fait que Vinh'san se dirigea ensuite d'un pas rapide vers la forêt.. N'était-ce pas elle qui venait de tuer le forester?

Quoiqu'il en soit Nadhyna fut placée sous surveillance. Je ne pouvais rien lui soutirer tant que Grom et son escorte était dans le coin. Je pris tout de même la peine de me lever une fois de plus et de me diriger vers le second de Vinh'san.

-Sauf votre respect que se passe-t-il? lui demandais-je d'une voix autoritaire, mais respectueuse de son grade. Donnez moi les informations qu'un soldat de vos rangs est en droit de savoir.

Grom regarda Ikar un moment, un sourire amusé sur les lèvres.

Vinh'san avait peut-être raison concernant les humains. Peut-être n'existent-ils que pour nous ennuyer...

L'orc attrapa Ikar par le col et l'obligea à aller se rassoir.

Désolé, mais Vinh'san semble y tenir.
La dame dit qu'elle a pas tué le forestier, que c'est le Guide, celui qui t'as assommé. La tête là, c'est celle de la ty... reine de notre île, Ehryna. Je crois que Vinh'san est parti dans la forêt retrouver le Guide, et lui faire cracher sa version de la réalité.

L'orc demanda ensuite à un elfe et le chamane de rester à côté d'Ikar, de s'assurer qu'il ne se lèverait plus et de le prévenir s'il veut encore dire quelque chose. Puis il demanda à Nadhyna de se tenir à l'écart de la sortie et resta près d'elle avec l'autre guerrier elfe.

Après la sortie Vinh’san, Ikar posa quelques questions à Grom auxquelles ce dernier répondit d’une manière assez brève. Mais il laissa sous entendre que le « guide » aurait combattu Ikar alors que Nadhyna qui avait observé la bataille, avait clairement vu le guide n’attaquer que des loups. Décidément, le jeune homme blessé était étrange, il l’intriguait.

Le reste de l’après-midi passa en silence, la carcasse d’Arthur au milieu de la tente.

Je ne savais pas si j'étais traité comme un prisonnier ou comme un soldat... Ou comme je ne savais quoi. Ils gardaient ma tente. Comme si j'avais une chance de m'échapper dans l'état que j'étais! Je rageais intérieurement. Vinh'san ne voulait pas m'accorder sa confiance. Alors il n'aurait pas la mienne.. Il m'avait tout de même dit que j'avais une chance de lui prouver ma validité en tant que soldat. Et il ne serait pas déçu.. Du moins, si j'avais une chance de lui prouver.

Je jetai un coup d'oeil dans la direction de Nadhyna. Cette femme m'intrigait. Qu'avait-elle vu? Qu'avait-elle fait? Vinh'san l'avait cru rapidement. Où c'était ce qu'il avait laissé paraître? J'étais perdu au milieu de trop de questions. La brume envahissait mon âme et le sommeil me gagna. Je m'éveillai quelques heures plus tard. Il y avait du mouvement à l'extérieur. Vinh'san était de retour.

Lorsque le soir arriva, Vinh'san revint. Ses habits étaient déchirés, sa
cape n'était plus qu'un bout de tissu qui pendait de ses épaules
jusqu'à la moitié de ses omoplates et ses yeux fixaient le sol.

Il entra en marchant lentement dans la tente. Il ne leva pas les yeux
pour dire à Grom que tous pouvaient sortir. Avant de donner un quelconque ordre aux gardes, l'orc se plaça en face du maréchal et l'attrapa par les épaules. Il était presque dégoûté de voir ce qu'il était. Plus aucune, force, arrogance, froideur ou quoi que ce soit n'émanait de lui. Il semblait faible.

Que s'est-il passé?
Le Guide à tué Arthur, il l'a dit. Il a tué Ehryna. Il a tué toute la noblesse de notre île qui s'était opposé à lui.
Avec quelle armée?
Lui même. Je l'ai défié. Au début, j'ai cru combattre un simple humain. Grom, ne sous-estime personne, jamais. L'abus de confiance en soit est notre pire ennemi.
Et pourquoi a-t-il fait ça?
Ehryna... était à la base du mécontentement des esprits de notre île. Elle était mauvaise... Elle devait mourir. Je t'expliquerais tout ce que j'ai appris, et tout ce dont je me suis souvenu, plus tard.

Puis l'elfe se dirigea vers le seul meuble de la tente, l'ouvrit, et prit d'autres habits, identiques à ceux qu'il portait avant, et sortit en annonçant qu'il allait chercher un ruisseau car le combat l'avait fatigué. En passant près de la porte, il récupéra le diadème et arracha à la main les pierres précieuses. Il le tint dans sa main un moment, comme quelqu'un dont de vieux souvenirs reviennent, puis il lança les pierres à la mercenaire.

Voilà ton paiement. Garde la monnaie en guise de remerciement pour la commission et d'excuse pour mon manque de confiance.
On part demain pour l'habitat des nains.

Et il sorti, le pas lent, toujours l'œil bas.

Grom se tourna vers les humains.

Vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Sauf vous, le blessé. Restez tranquille. Si vous pouviez être en état à la fin de la semaine, ce serait bien.

Grom sorti, réfléchissant à l'état de son maître.

Encore une fois, on me demandais de rester là.. Nadhyna avait donc dit vrai. Le double meurtre avait été commis par Robert. Mais pourquoi? Si Erhyna était maléfique c'était comprenable, mais je n'avais vu aucun malice dans les yeux de Robert.. Mais je pouvais me tromper. Je n'étais qu'un homme, qu'un simple humain.. Et qui de plus, était sous-estimé des elfes. Je m'endormis, encore tourmenté par toutes ces énigmes qui envahissaient mon être.

Au matin, j'avais repris la presque totalité de mes forces. Il y avait encore une cicatrice fraîche, mais je pouvais marcher sans béquille et sans souffrance. Le chamane qui m'avait veillé, m'examina et me permit de ma promener dans le camp. Par contre je ne devais pas faire d'effort physique. Je partis donc à la recherche de Nadhyna. Elle n'avait pas quitté ma tête depuis ma dernière rencontre.

Tout le camp était littéralement en ébullition, on se préparait à partir Nadhyna qui n’attendait que le départ s’entrainait au jet de couteaux à proximité contre un arbre.Elle avait passé une mauvaise nuit ; la cervelle d’Arthur gisant sur le sol et la tête coupée avaient hanté ses rêves .Trop absorbée par son entrainement , elle ne vit pas Ikar arriver.

Je trouvai finalement dame Nadhyna à s'entraîner. Je m'approchai doucement et pris la parole :

-Excusez-moi de vous déranger dans votre entraînement, mais quelque chose me tourmente l'esprit. Selon vos dires, vous avez été témoin de l'assassinat d'Arthur. Ce dernier avait deux blessures disctinctes. L'une faite par le sabre de Robert, mais l'autre faite par une lame plus fine. Certe, on peut faire ce genre de blessure avec un sabre, mais dans un combat, il est peu commun de faire un travail de précision de ce genre avec un longue lame. Je peux recréer la scène avec une certaine marge d'erreur, mais mes conclusions me portent à croire qu'Arthur a été assassiné par deux personnes..

Le visage de la dame changeait tranquillement. Je repris la parole avant qu'elle ne parte en peur.

-Je ne suis pas votre ennemi. Si Robert a voulu prendre le blâme du meurtre, il avait sans doute une bonne raison. Je ne connais pas beaucoup cet homme, mais je crois qu'il a un rôle important à jouer en ces terres. Je ne dévoilerai pas votre implication à Vinh'san, mais j'aimerais comprendre pourquoi vous avez fait ça. Qui vous a engagé?

Après un moment de panique, la jeune fille reprit son sang froid

A vrai dire je n’avais rien contre lui en particulier, seulement je suis une mercenaire et j’avais pour mission de le tuer .Or techniquement je ne l’ai pas fait, il vivait encore lorsque « robert » la transpercé et l’a donc par la même occasion achevé ; pour cela je ne pense pas recevoir la récompense prévue. Quand à vous dire quand m’a engagée … Je ne pense pas être en mesure de vous dévoiler son nom ; il me faut tout de même garder un certain secret professionnel.

Vous, en revanche vous m’intriguez fortement, vous dîtes être arrivé avec la bataille, et Grom a dit hier soir il me semble que le guide vous avait assommé, or il n’a combattu que des loups..Et vous semblez avoir de très
bonne capacités de guérison..

Nadhyna espérait qu’Ikar tiendrait sa langue ;de toute manière, s’il parlait,
elle n’aurait qu’à partir ; mais ça l’embêterait tout de même un peu, elle commençait à s’habituer à être parmi eux.

Je réfléchis à ses dires. Je ne savais pas ce qui l'avait poussé à devenir mercenaire, mais cela devait être tragique. Je ne pouvais croire qu'une femme pouvait devenir assassin sans avoir eu la vie dure. Surtout si jeune.

-Je garderai votre secret. Quant à moi.. Vous m'avez fait confiance en me dévoilant la vérité alors je vais faire de même. Mon histoire est longue et sombre. Je vais rester secret sur les détails. Disons que depuis l'attaque, je crains d'utiliser mes facultés.. Je suis un loup-garou possédé par le roi des loups. Je mène un constant combat pour garder le contrôle sur la bête. J'ai le contrôle présentement, mais je vous conseille d'être loin de moi à la prochaine pleine lune.

Je me tus. Lui faisais-je peur? C'était dur à dire. J'avais entendu dire que les assassins cachaient bien leur jeu.

-Voici ce que je vous propose. Comme nous sommes tous les deux nouveaux dans cette "armée", nous devrions faire équipe. Le maréchal Vinh'san m'a dit que je devais faire mes preuves pour ne pas être laissé chez les nains. Il ne m'a jamais vu me battre.. J'ai été entraîné par un démon de la confrérie du renard avant que Maître Renard tente de me tuer. J'ai tué les deux vassaux qui me retenaient et je me suis enfuie. Maintenant j'aimerais bien faire parti de cette compagnie d'elfe et je ferai tout pour y être accepté.

Ikar était donc un ennemi de son ancien employeur, cela dit ce détail n’avait que peut d’importance, vu que la mission de la mercenaire ne concernait qu’Arthur. Nadhyna ne fut pas réellement surprise ou effrayée par les dires d’Ikar, elle se dit qu’il ne valait mieux pas trop insister sur le passé du jeune homme qui n’avait pas l’air extrêmement joyeux. On venait de donner le signal du départ, aussi lui proposa-t-elle de l’accompagner jusqu’à son cheval pour qu’ils puissent continuer de discuter.

Ils semblaient avoir le même but : rester sous les ordres du maréchal ; accepter sa proposition semblait être un choix plutôt avantageux pour eux deux.

Je ne vois aucun inconvénient à ce que nous fassions équipe, seulement, pour que je vous sois tout de même plus utile, n’existe-t-il rien que je puisse faire pour vous aider à contrôler la bête ?

La réponse était oui. J'avais besoin de me battre pour quelqu'un. Et simplement en acceptant de faire équipe, elle m'aidait à contrôler le mal qui me rongeait. Avec Elbereth ç'avait été autrement. Les démons n'étaient impressionés que par le pouvoir et c'était probablement sa faute si je n'avais pu me contrôler la nuit de l'attaque. Je ne lui en voulait pas. Tout ce qui était arrivé était de ma faute. J'avais trop voulu l'impressioner. Maintenant je craignais mon pouvoir, mais en me faisant une amie, j'aurais plus de facilité à la contrôler. Je savais que je comptais pour quelqu'un et je ne voulais surtout pas lui faire de mal.

-Simplement en acceptant mon offre, vous m'aidez beaucoup.

Je souris gentiment en regardant Nadhyna dans les yeux. Le gris de ses yeux ne dévoilait rien sur son identité. Le mystère persisterait pendant encore combien de temps? Elle était belle et je devais avouer que j'étais sensible au charme d'une femme. Et il fallait dire que ça en prenait peu pour que je trouve une femme charmante. Le temps pour se rendre à la monture que Vinh'san me prêtait fut bref, mais apprécié. Je n'aimais pas l'idée d'être le seul cavalier du groupe, mais le chamane ne semblait pas me laisser le choix. J'avais déjà empiré ma blessure deux fois, alors je l'écoutai. Avec un peu de chance, le lendemain, elle serait guérie. Je récupérais très vite, c'était ce que le soigneur avait dit.

L'armée, ou ce qu'il en restait s'était réunie. Il ne manquait plus que les deux humains. Il ne restait plus que deux rôdeurs, quatre héros et une chamane. Ils étaient partis vingt, et en une bataille ils se retrouvaient neuf.
Vinh'san se plaça face à ses soldats et s'adressa à eux.

Bien. Nous allons terminer cette mission, puis nous rentrerons chez nous. Vous pourrez dire adieu à ces terres, et ne les reverrez plus, à moins que ce soit dans vos projets.
Une ère nouvelle se prépare chez nous. Et nous devons y être afin de la rendre la plus favorable à nous tous.
Ehryna est morte. Les esprits ont accordé de nouveau leur confiance à notre race. Notre espérance de vie redeviendra comme avant, avec le temps.
Nous autres, soldats, allons perdre notre travail, très certainement, mais ce sera certainement mieux ainsi. Nous pourrons toujours devenir des membre de la garde mixte de l'île.

Vinh'san s'en alla sans préciser qu'il avait finit. Il vit enfin approcher Nadhyna et Ikar. L'elfe alla jusqu'à son cheval, posa un genoux à terre et prépara ses mains pour aider l'humain blessé à monter sur la monture.

Lorsque ce fut fait. Il lui transmit les espérance de la chamane : avec sa capacité de soin et les compétences de la soigneuse, il serait sur pied demain soir dans le pire des cas, s'il se tenait calme toutefois.
Puis il se tourna vers la mercenaire et s'excusa encore une fois pour son emportement de la veille.
Puis il avança. De dos, sans voir son visage triste, on devinait aisément qu'il reprenait de la vigueur.

Il se plaça en tête de la petite troupe, attendit un moment qu'une forme noire et intangible s'approche de lui puis reparte et il donna l'ordre d'avancer. Tous les soldats marchaient l'arme au clair.

Le lendemain, comme l'avait dit Vinh'san j'étais en parfait état. Je lui rendis donc son cheval et rejoignis Nadhyna dans les rangs des soldats. Soudain nous débouchâmes dans une vallée de pierre. L'ascension des montagnes infinies commençaient. Le paysage était magnifique. D'où on était, on appercevait Shamar et une partie des plaines blanches ainsi que la brumeuse forêt des morts. Avec toutes les légendes que j'avais entendu concernant cet endroit, j'espérais ne jamais devoir y mettre les pieds.

Soudain une hache de jet vin se planter directement en avant de Vinh'san. Le nain qui l'avait lancé se montra accompagné d'une cinquantaine des siens. Je m'avançai à côté de Vinh'san et déposai mes armes. J'espérais que le maréchal aurait l'intelligence de donner l'ordre de faire de même. Un nain en vallait deux dans son territoire et 9 hommes contre 100 nains c'était du suicide.

Vinh'san observait les alentours, se rappelant lentement qu'il y était déjà venu, il y a longtemps, lorsqu'une hache de jet vint se planter devant lui.
Il baissa lentement son regard dessus.
Elle, par contre, ne lui rappelait rien, sinon qu'il était en territoire nain, et que le moindre mauvais geste de sa part pouvait valoir la vie des dix personnes qui l'accompagnaient. Lui, en revanche, ne voyait pas un arrêt dans sa mort, mais seulement un obstacle. Il s'était aussi rappelé qu'il était un habitué de la mort.
Il vit Ikar s'avancer et déposer son arme. Un choix judicieux. L'elfe se rendit compte que cela, il l'aurait fait instinctivement, autrefois. Mais maintenant... il était trop préoccupé par sa tristesse. Ceci l'énervait.
Il dégaina brusquement son arme, sous l'effet de sa rage intérieure, et la jeta au sol, plus qu'il ne la déposait. Lorsqu'il releva les yeux, il vit que la plupart des nains avaient dégainé leurs armes. Son geste avaient sûrement été mal interprété : les nains avaient dû comprendre qu'il le faisait à regret.
Il souffla à l'attention d'Ikar son regret et lui annonça que tant qu'il ne se serait pas ressaisit, il resterait passif.
Grom de son côté déposa aussi son arme. Les soldats comprirent tous qu'il fallait le faire, sans qu'on ait besoin de leur dire : cette armée avait l'habitude de faire passer ses messages en silence, de sorte que les personnes extérieures croient que chacun décidait lui même de la conduite à adopter. Cela donnait une impression de parfaite cohésion des esprits de l'armée.

Les nains nous encerclèrent et celui qui semblait être le chef nous adressa la parole :
-Elfes, vous êtes en territoire nain! Savez-vous que cela équivaut à du suicide?

Je m'avançai quelque peu pour prendre la parole. C'était moi qui devait mener les négociations.
-Je suis Ikar Brechende, nous sommes à la recherche du clan Dankil pour leur annoncer la mort de leur paladin : Scyl Dankil.

Le nain pointa sa hache sur ma gorge et répondit d'une voix grave et colérique :
-Vous êtes mieux de vous expliquer rapidement si vous ne voulez pas tous finir en viande hachée!
Je m'agenouillai pour prouver que je n'étais pas leur ennemi.
-Je défis en combat singulier votre chef pour restaurer l'ordre chez les nains. Selon les lois naines, vous n'avez pas le choix d'accepter ma demande.
-Je ne sais pas ce qui me retient de vous trancher net la gorge, tout de suite et maintenant!! hurla le nain. Je suis le chef du clan Dankil. J'accepte votre offre, cela offrira un peu de divertissement à mes hommes. Ensuite je ferai exécuter vos amis publiquement. Vos femmes seront traitées en esclaves et satisferont aux besoins animales de mes guerriers. EMMENEZ-LES!!

À ses derniers mots, mon visage se crispa et mes yeux se remplirent de haine à son égard. Nos yeux furent voilés et nos mains liées. Nous entamâmes alors la marche vers leur ville. En chemin, un nain me dit que le combat allait avoir lieu dans 3 jours. Le chef, malgré sa rudesse, nous laisserait relativement libres dès notre arrivé. Il y aurait un nain pour chacun de nous pour nous surveiller, mais nous nous déplacerions librement dans la ville.

Une fois arrivés, on détacha la troupe. On leur rendit leurs armes, leur expliquant de façon très imagées ce qu'il resterait d'eux s'ils tentaient un mauvais coup.

Dès qu'il le pût, Vinh'san s'écarta du groupe et parti arpenter les rues de la ville. Il pensait à tout son passé qui lui revenait en mémoire.
Ehryna avait réussit à lui faire oublier tout ce temps. Elle devait être très puissante. Et... le Guide l'avait tué. Il l'avait déjà fait, en fait, mais Vinh'san la distrayait par un combat de mage à ce moment. Il avait dû encore se servir de la ruse pour tuer toute la noblesse opposée à l'abolition du système instauré par Ehryna.
Vinh'san se demandait si c'était le fait d'avoir avalé l'âme d'Ehryna qui lui avait rendu sa mémoire. Visiblement, les autres ne se souvenaient pas du temps passé.
Et Ehryna, maintenant morte, il serait sûrement rappelé parmi les esprits une fois de retour sur l'île. Et renvoyer sous forme charnelle si elle refaisait surface, par un quelconque moyen. Il ne voulait pas de ce genre de non-vie.
Pour la première fois de sa vie, il se révoltait intérieurement contre le fait qu'il était utilisé. Le Guide déteignait sur lui.
Le Guide... une étrange personne. Il avait dit que son nom lui reviendrait.

Vinh'san ressassait tout cela, prenant inconsciemment en note le plan de la ville dans sa tête, lorsque Grom'Lock le rejoignit.

Grom, je crois que je ne vais pas rentrer sur l'Île Hexagonale. J'ai à faire ici, enfin dans ce royaume. Et... je ne veux plus retourner là-bas. Je hais cette île. Je vis pour mon peuple, mais je hais son lieu de vie, je ne sais pas pourquoi.
Revoir tes forêts te changera sûrement les idées.
Quelles forêts? Je n'ai jamais vécu en forêt! Je suis un elfe et j'ai été cantonné toute ma vie dans des châteaux, des forteresses, des casernes, des orphelinats, des manoirs... La pierre est moche, à mes yeux, et pourtant elle m'appelle. Je ne connais que ça, je ne peux pas vivre ailleurs que dans la pierre. C'est étrange...
Viens donc te changer les idées. On vante la bière des nains, si on allait la tester, leur rappeler la portée de l'alcool orc!
Je ne bois que de l'eau. Hors de question de me saouler, encore plus lorsqu'à tout moment un dégénéré mental peut décider de me faire assassiner.

Grom'Lock rit et traina son supérieur dans la première taverne qu'ils virent. Lorsqu'ils entrèrent, une chaise volait vers la porte. L'orc la rattrapa au vol et regarda ce qu'il se passait. Il y avait un duel entre nains. Ce devait être un jeu local.

Alors, on se change les idées?

Vinh'san lança un long regard à la scène. C'était pitoyable. Une lutte sans nécessité. Sans raison. Il n'y avait pas à réfléchir. Pas de tactiques, pas de questions du style : "Est-ce que je me bats pour le bon camp?". Exactement ce dont il avait besoin.
Lorsque le combat se termina, Vinh'san s'avança, même s'il était déjà très bien remarqué.

Mon ami et moi-même avons besoin de nous délasser. Nous n'avons pas eu notre entrainement matinal aujourd'hui, tellement nous étions pressés de rejoindre votre ville animée.

Un nain accepta son défis. Vinh'san alla commander deux bières et les vida sous le regard étonné de Grom'Lock. Il lui souffla, un peu sonné par l'alcool auquel il n'était pas habitué :

L'ébriété immunise à la douleur.

Puis il détacha son cimeterre et retira son plastron.

Le temps passait lentement, Nadhyna regarda le nain qui lui était assigné : petit, dodu et qui sentait la viande en décomposition. Décidemment elle n’avait pas de chance, non seulement à cause de lui alors que des milliers de merveilles lui tendaient les bras, elle ne pouvait rien voler ; mais en plus il se permettait de sentir mauvais..Cherchant une occupation constructive elle se dirigea vers une armurerie, acheta deux couteaux de jet en plus, puis lorsqu’elle passa devant un marchant ambulant elle acheta un écharpe noire au nain qu’elle s’empressa de mettre devant son nez, ainsi qu’un jeu d’échec. Elle passa les trois jours à jouer aux échecs avec le nain , elle faisait confiance à Ikar, c’était pour ça d’ailleurs qu’elle n’avait pas essayé de s’enfuir.

Quand nous entrâmes dans la ville, on nous remit nos armes. Je vérifiai si mes lames étaient encore aiguisés. L'épée était toujours aussi tranchante, mais le couteau de chasse avait besoin d'être affûté. Je me rendis à une forge pour le faire. Je profitai de l'occasion pour demander au forgeron s'il y avait une place où je pouvais m'entraîner à l'épée. Il me désigna une école de "cavaliers" comme il disait. Son langage était en fait une sorte de jargon qu'on appelait du joual. Je me demandais s'il savait qu'un cavalier était un soldat qui se battait normalement sur une monture. Il confondait avec chevalier.

Je me dirigeai vers l'école. À l'entré un vieux nain maigre et à la longue barbe grise m'accueillit plutôt bien. Je m'entraînai trois jours durant jusqu'à épuisement. J'avais compris qu'un combat contre une hache était plutôt suicidaire. Il était possible de déjouer la garde de l'adversaire, mais c'était difficile de le faire sans se faire briser le crâne.

Au troisième jour un messager vint me voir avec un enveloppe. À l'intérieur une missive qui me disait que le combat été reporté à une date ultérieur et que je serais averti de la date en temps et lieu. Autrement dit, on pouvait me convoquer n'importe quand pour que je fasse mon combat.

Je décidai alors de rejoindre Nadhyna dans l'auberge où elle était logé pour lui expliquer la situation. Le nain qui était en charge de me surveiller eut un sourire édenté à la vue de la dame. Il était sans doute l'un de ceux qui profiteraient d'elle en cas d'échec. Heureusement cela n'arriverait pas.. Du moins je l'espérais. Nous commençames donc une partie d'échec et j'engageai la conversation :
-Selon Baldïr, mon entraîneur, Vinh'san et Grom auraient atteint le rang de champion et vont pouvoir se battre en équipe à l'arène du roi. Ils combatteront dès demain à l'aurore. Venez si vous voulez, je crois qu'il va y avoir du spectacle!